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« Murder Party », l’expression qui tue !

On dit souvent que le droit mène à tout et qu’il touche à peu près tout. Preuve en est, même les jeux de rôle sont aujourd’hui soumis à la dure loi du Code civil et de ses comparses (Code de commerce, Code pénal et j’en passe).

Pour la petite histoire (et pour celles et ceux qui auraient loupé cet intense épisode juridique, passé volontairement sous silence par les intéressés), la « Murder Party » a eu chaud aux fesses. Il y a environ 5 ans, la société 10Torsions (aussi connue sous le nom de Murder2000) a déposé légalement le terme « Murder Party » devant l’INPI (Institut Nationale de la Propriété Industrielle) et a par la suite attaqué l’association Carte Blanche, spécialisée dans l’évènementiel rôlistique de type « Murder Party », en lui reprochant de faire un usage commercial de cette « appellation ». Selon, 10Torsions, en déposant cette marque auprès des autorités nationales compétentes, l’usage des termes « Murder Party » lui était strictement et exclusivement réservé. En outre, Carte Blanche était, selon la société demanderesse, beaucoup trop proches de la FédéGN, elle-même taxée d’association lobbyiste aux visées occultes et dépourvue de représentativité sur le monde du jeu de rôle grandeur nature (Quel intérêt en l’espèce ? On se le demande).

Carte Blanche a soulevé de son côté la nullité de l’enregistrement de la marque par la société 10Torsions.

Bref, autant dire que les joueurs GN ont commencé à fulminer et à se demander si, à termes, ils seraient encore à même de satisfaire leur passion, dont l’appellation venait d’être privatisée.

Pour comprendre un peu l’enjeu juridique, il convient de rappeler quelques fondamentaux en matière de propriété intellectuelle (passage obligé si vous voulez comprendre, hein !).

Pour être valable, une marque doit respecter certaines conditions : le signe ne doit pas être déceptif (il ne doit pas tromper le consommateur sur la provenance, la nature ou la qualité du produit), il ne doit pas être contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs et, enfin, il ne doit pas être interdit par la loi (les symboles officiels, les emblèmes des nations, par exemple, ne peuvent pas être enregistrés en tant que marque).

La marque doit également être distinctif (art. L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle), c’est-à-dire originale, et doit être disponible (naturellement).

C’est là que le bât blesse. La question qui se posait dans cette affaire était de savoir si les termes « Murder Party » étaient disponibles (l’expression appartient-elle à des tiers ?) et, surtout, s’ils étaient originaux (ce qui pouvait poser problème en l’espèce). 10Torsions pouvait-elle s’approprier cette appellation ?

Le 4 juin 2012, le Tribunal de Grande Instance de Chambéry a tranché. Selon l’article L.711-2 alinéa 2, a) du Code de la propriété intellectuelle, sont dépourvus de caractère distinctif, les signes qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou service. Fort de cet article, le juge, se plaçant au moment de la formalité du dépôt (en juillet 2007), rappelle que « Murder Party » est une expression d’origine anglaise employée dans la littérature journalistique depuis plusieurs dizaines d’années, ce qui lui confère un caractère usuel. Son usage répandu fait qu’elle n’a pas le caractère distinctif suffisant pour que la société 10Torsions puisse se prévaloir de son dépôt de marque et en interdire l’usage.

Le TGI de Chambéry conclut ainsi à la nullité de la marque « Murder Party » et déboute la société 10Torsions de l’ensemble de ses demandes (je passe sur les suites procédurales en termes de dommages et intérêts et de publication du jugement).

Une application stricte de la loi et une bataille de remportée par les rôlistes GN ! De bonnes nouvelles en somme.

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